Histoire de l'Ordre Militaire et Hospitalier de Saint Lazare de Jérusalem
L’Ordre de Saint-Lazare est considéré comme le plus ancien de la Chrétienté parce qu’il tient ses racines d’une communauté de moines arméniens, dirigés par saint Basile le Grand, ayant fondé vers 370 à Jérusalem une léproserie près la porte Saint-Lazare, d’ailleurs mentionnée dans « le mémoire des maisons-Dieu de Jérusalem » adressé en 801 à Charlemagne. Louis XIV, qui chérissait particulièrement l’Ordre, écrivit en 1672 : « L’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem est le plus ancien de la chrétienté. Il est fondé pour la défense de la foi, le service des malades et des lépreux ».
Avant la première croisade, ces moines hospitaliers, alors placés sous la règle de saint Augustin et sous la protection spirituelle des Patriarches Grecs Melkites de Jérusalem, se sont constitués en Ordre sous le patronage de saint Lazare avec pour signe distinctif une croix de sinople (verte).
Ainsi, à cette époque, l’hôpital Saint Lazare et la communauté monastique qui l’animait étaient une composante du complexe hospitalier de Jérusalem : un deuxième hôpital, Sainte-Marie Latine, y avait été créé entre 1048-1070 à l’initiative de marchands italiens puis, vers 1070-1080, le Bienheureux Frère Gérard, issu du lignage des comtes de Dabo-Eguisheim, en Alsace, avait fondé l’hôpital Saint-Jean. C’est lui qui était à la tête de ce complexe hospitalier lors de la prise de Jérusalem en 1099. L’hôpital Saint-Lazare, en particulier, accueillait les lépreux de toutes origines et religions. Le Frère Gérard est donc le premier Chef commun à l’Ordre de Saint-Jean (appelé, à partir du XVIème siècle, Ordre de Malte en raison de sa localisation) et à l’Ordre de Saint-Lazare.
Durant les Croisades, les chevaliers lépreux de l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem ont participé à la défense des Lieux Saints : en effet, la Règle des autres Ordres chevaleresques (comme l’Ordre du Temple et l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem) commandait que leurs chevaliers atteints de ce mal rejoignent les rangs de l’Ordre de Saint-Lazare. Celui-ci s’est ainsi militarisé dès la création du Royaume de Jérusalem en 1099 (comme d’ailleurs l’Ordre de l’Hôpital Saint-Jean) ; puis la Bulle du Pape Alexandre IV « Cum a Nobis Petitur », du 11 avril 1254, l’a confirmé en tant qu’Ordre Religieux, Militaire et Hospitalier, c’est-à-dire que les chevaliers prononçaient leurs vœux monastiques tout en participant aux soins des malades. Il est à souligner le caractère initialement œcuménique de l’Ordre, alors composé d’Arméniens, de Grecs melkites, de catholiques romains.
L’Ordre de Saint-Lazare participa aux importantes batailles (prise de Saint-Jean d’Acre, Gaza, Damiette, La Mansourah) tout au long de l’existence du Royaume de Terre Sainte jusqu’à la bataille et la chute de Saint-Jean d’Acre en 1291. Par ailleurs, en 1149, le roi Louis VII au retour de la 2ème croisade avait ramené avec lui plusieurs chevaliers de Saint-Lazare car il estimait beaucoup cet Ordre et lui fit de nombreux dons, en particulier le château royal de Boigny, près d’Orléans, qui constitua le siège magistral de l’Ordre en Europe à partir duquel celui-ci rayonna dans toute l’Europe médiévale. Il lui confia l’administration des Maisons-Dieu et Maladreries du royaume (les hôpitaux) y compris, bien sûr, les léproseries, ce qui en faisait, en termes d’aujourd’hui, le Ministère de la Santé ; charge réaffirmée par Louis XIV et que l’Ordre assuma jusqu’en 1693. Saint Louis (Louis IX), qui s’entoura des chevaliers de Saint Lazare en Terre sainte, lui donna la jouissance du port d’Aigues-Mortes et confirma sa baronnie de Boigny. Au cours de cette période, les chevaliers fondèrent des Grands Prieurés dans les royaumes européens avec la protection de leurs souverains respectifs. Toutefois, c’est en France, sa seconde patrie après la Terre Sainte, qu’il connut son plus grand développement et où il sera considéré, aux XVIIème et XVIIIème siècles comme le plus prestigieux des Ordres en France après les Ordres du Roi (Ordre unis de Saint-Michel et du Saint-Esprit). Le roi Philippe le Bel avait d’ailleurs décidé, en 1308, de le prendre sous sa protection, ce que firent, à sa suite, tous les rois de France jusqu’en 1830, mais ce qui n’ôtait en rien le caractère souverain de l’Ordre. Notons encore que des chevaliers de Saint Lazare figurèrent au nombre des compagnons de Jeanne d’Arc, en particulier au siège d’Orléans. En 1608, Henri IV, réunit l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem et l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel créé à sa demande par le Pape Paul V mais, par Lettres patentes du 29 mai 1609, le roi entendit confirmer qu’en aucun cas l’Ordre de Saint Lazare n’était supprimé en raison de cette union.
L’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem joua également un rôle de premier plan dans le cadre de la Marine de guerre française sur le rivage atlantique avec comme port d’attache Saint-Malo (L'Ordre de Saint Lazare une Marine de guerre française). Le Grand Maître de l’Ordre reçut le brevet de chef d’escadre avec droit de commander celle-ci à part en cas de jonction avec la flotte royale et de ne relever directement que du général en chef (le Chef d’Etat-Major des armées d’aujourd’hui). En 1677, l’Ordre fonda une académie de Marine, située rue Saint-Claude dans le Marais. Parmi ses élèves, on comptera le chevalier de Brienne-Conflans qui devait devenir vice-amiral et maréchal de France. Aux XVII-XVIIIème siècles, la flotte de l’Ordre comptait 10 frégates avec comme mission de faire la chasse aux pirates, principalement de la Biscaye et d’Ostende et de protéger le littoral breton des Anglais, ce que la Marine royale n’avait pas les moyens de réaliser. L’Ordre assumait également l’éducation des futurs officiers par l’administration de l’École militaire de Paris.
Le Pape Clément XIV, en 1772, prononça le caractère laïc des Ordres unis (les chevaliers étaient donc autorisés à se marier). En 1774, un concordat pour des actions communes et une reconnaissance mutuelle fut conclu entre les Ordres unis de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel et l’Ordre de Malte. Pendant la Révolution française, la plupart des chevaliers de Saint-Lazare combattirent dans l’Armée Catholique et Royale ou dans l’Émigration (l’Armée des Princes). Le futur Louis XVIII, lors de son exil, confirma le caractère œcuménique de l’Ordre par la remise de la croix de l’Ordre à des personnalités issues des différentes confessions chrétiennes : en 1799, le Tsar Paul Ier, son fils, le futur Tsar Alexandre Ier et plusieurs membres de la famille impériale et de la haute aristocratie russe (Orthodoxie) et, en 1807, le Roi Gustave IV de Suède, le Prince Frédéric de Suède et plusieurs gentilshommes suédois (Protestantisme). Les trois fins de l’Ordre, telles qu’elles sont énoncées aujourd’hui, se trouvaient ainsi réaffirmées : les œuvres hospitalières, le concours à l’unité entre les Chrétiens, le maintien des valeurs et traditions chevaleresques.
En 1841, l'Ordre renoua avec ses origines orientales en se plaçant sous la protection spirituelle du Patriarche de l’Église Grecque-Catholique Melkite Maximos III Malzoum lors de sa visite à Paris et poursuivit ses actions hospitalières durant tout le XIXème siècle, tant en Orient (en Tunisie, notamment) qu’en Occident. Tout au long du XXème siècle, malgré le séisme des deux guerres mondiales, l’Ordre se maintint en France, en Espagne et au Royaume Uni. En 1936, l’Ordre fonda « l’œuvre des pauvres lépreux » et, durant la seconde guerre mondiale, il créa un service d’ambulance pour le front : « l’Anglo-American Corps » portant les insignes de l’Ordre et l’inscription « Service Hospitalier de l’Ordre de Saint-Lazare », en activité jusqu’à l’armistice de juin 1940. De 1942 à 1945, il créa « les Volontaires secouristes de Saint-Lazare » afin de porter secours aux blessés lors des bombardements. Il prit part aux actions de Résistance et, en 1947, son chef reçu une citation à l’ordre de la Nation avec une reconnaissance de l’État pour « le Corps lazariste ». A partir de la seconde moitié du XXème siècle, les Grands Prieurés furent progressivement rétablis en Europe et en Amérique.
En 2012, des membres français fondèrent la Lieutenance de l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel. Le choix du nom de « Lieutenance » indiquait clairement la volonté de rejoindre l’Ordre international, Juridiction historique et légitime. C’est précisément ce qui s’est concrétisé depuis juin 2017, date à laquelle la Lieutenance de Saint-Lazare s’est rattachée à celui-ci, aujourd’hui dirigé par Don Francisco de Borbón, comte von Hardenberg, en étant placée sous la Juridiction de son Grand Prieuré de France dirigé par le comte Christian d’Andlau-Hombourg.